Les arcanes mineurs Voici en introduction le très beau texte de Tchalaï cité par Laurent Edouard http://chroniques.laurent-voyance.com/tarologie/257/mariage-2.html http://chroniques.laurent-voyance.com/tarologie/271/couple.html#more-271 …/… Depuis sa mystérieuse apparition sous les gouges de Nicolas Conver, qui tourmentait une plaque de poirier vers les années 1740/1750, le Tarot de Marseille va son bonhomme de chemin, continuant à véhiculer des vérités flagellantes ou subtiles pour ceux qui veulent bien, à l’entrée du palais, ôter leurs bottes à clous, leurs casques étanches, leurs cache-cœur en kevlar et leurs paupières en plomb. Nos réactions d’agacement ou de terreur laissent froid, ou plutôt intact, ce superbe Tout, cet hologramme en deux dimensions visibles, et une quantité innombrable de dimensions à laisser s’ouvrir : il demeure le conseil Magnifique qui enclôt et détient le Jeu du Gouvernement du Monde. Il ne tient qu’à nous d’entrer dans cet hologramme les yeux ouverts, pauvres en esprit et modestes dans notre exultation. A tous les coins de carte, on rencontre l’Amour, celui qui se cache pour nous dévorer au ventre (LA LUNE), celui qui nous effleure pour infléchir nos pas (LE SOLEIL), celui qui transvase nos énergies polaires (TEMPERANCE) et s’incarne dans l’Androgyne dansant (LE MONDE), passerelle vers un autre ordre basé sur le Cinq… Bien sûr, je ne mentionnerai pas L’AMOUREUX, qui dévoile plutôt des passages/retournements de la naissance et de la mort. On peut même affirmer que le Tarot de Marseille est une immense œuvre d’amour qui rayonne en descendant du Futur, où il est accompli. Plus rigoureux et plus sensé, le Tarot nous suggère aussi, avec précision, les fondements du couple, ou plutôt le fondement de quatre types de couples différents, en quelque sorte incoercibles, incontournables, qui recouvrent toutes les sortes de relations entre deux personnes, et cela avec la grâce infinie de la mesure : huit cartes seulement, les Roys et les Reynes, chaque Reyne étant la sœur d’un Roy et la seule partenaire possible pour un autre Roy. Et réciproquement ! La lecture de ces cartes et la compréhension qui en émane sont, comme toujours, de l’ordre d’une évidence qui se dissimule à peine au milieu de détails moins cohérents. Le Tarot comporte un sous-ensemble (sur les quatre qui le composent) de 16 personnes que l’on peut grouper en quatre “familles”, caractérisées par l’outil porté par chacun des quatre membres : Valet, Cavalier, Reyne, Roy, et qui donne son nom à ces quatre familles : Coupe, Deniers, Epée, Bâton (notons que seul Deniers est au pluriel), et que la pluralité ainsi soulignée correspond à une série des mêmes outils, dépourvue de numérotation : à nous de découvrir sur quelle sorte de pluralité notre attention doit se diriger. Dans ces familles, réunies donc par le même emblème, seuls Roy et Reyne nous intéressent aujourd’hui. Chacun de ces huit personnages illustre une caractérologie inédite, simple, complète, et d’une logique résidant uniquement dans le dessin, le trait, la couleur de l’image. Les comparer entre eux manifeste la spécificité irrécusable de chacun, son point faible, ce qui le met en danger, le retient d’épanouir sa valeur, son potentiel. Ainsi, par exemple, voit-on que la couronne de Roy de Coupe est cassée en deux, comme sa coupe. Que la jambe droite de Roy de Bâton est inutilisable et que son bâton (le seul bâton pointu du Tarot) menace dangereusement le talon de son pied gauche valide ; que le bras gauche à main bizarre de Roy d’Epée jaillit d’une poche de chair qui n’a rien à faire là et que, contrairement aux trois autres Roys, il porte des babouches comme dans sa chambre. Roy de Deniers, lui, ne semble menacé par rien, même si l’on note son regard hyperthyroïdien, son chapeau chic dissimulant sa couronne, et diverses finesses – tel qu’un fauteuil à deux pattes dont un pan du manteau joue innocemment la troisième patte. Du bout de ses petites mains, il maintient son outil. Du côté des Reynes – sœurs des Roys portant le même emblème – apparaissent des handicaps du genre identique : Reyne de Coupe garde la sienne fermée, un chapeau sous sa couronne (contrairement aux trois autres Reynes, qui portent seulement couronne), un toit enroulé autour de sa tête (contrairement aux trois autres)… et un bras, muni d’une main abimée, émergeant d’un tube de chair. Reyne de Deniers tient aussi haut qu’elle peut un énorme Deniers qui, bien que rond, ne tourne ni ne roule, et semble la fasciner, l’obligeant à hyper-développer sa main droite. Reyne d’Epée se cramponne à la seule épée rouge (sanglante ? dangereuse ?) du tarot, et pose une main souffrante sur son ventre couvert d’un tablier/bouclier entaillé d’une blessure. Quant à la Reyne de Bâton, elle maintient sans effort un outil qui, vu à l’envers, a tout d’un instrument de musique : ce n’est pas du bois pour cogner ou piquer, mais pour vibrer, résonner ! …/… Et il se produit un miracle comme Musset le racontait : tous ces hommes sont mal équilibrés, handicapés ou truqueurs, toutes ces femmes sont exigeantes, obsédées, faites de bric et de broc. Or, l’union de ces “monstres” les sauve de leurs problèmes et leur donne la vie ! On rencontre, bien sûr, des couples genre Reyne d’Epée/Roy de Bâton: ils n’ont pas même de quoi se “voir” l’un l’autre ! Ou Roy de Deniers/Reyne de Coupe : même mariés, ils vivent dans des univers opposés, l’un désirant le vaste, elle le clos. On rencontre aussi des Roys de Bâton mariés avec des Reynes de Bâton. Malgré la complicité, après quelque temps, la grande sœur se lasse et laisse son frère jouer dans la cour des petits ! C’est un couple très fréquent aujourd’hui, qui divorce en six ans. Roy de Coupe marié à Reyne de Coupe provoquera l’éloignement rapide sans méchanceté ; car aucun ne peut donner à l’autre ce qu’il attend. Trop de ressemblances engendre un stérile effet-miroir, de même pour tous les couples “fraternels”… Mais il y a pire. Toujours et encore, Roy de Bâton cherche Reyne de Deniers, Reyne de Bâton cherche Roy de Deniers, etc. et réciproquement. On le -on la- voit partout, on projette sur n’importe quel Autre l’image de celui ou de celle qu’on cherche. Résultat : dix ans après, on jure que l’Autre a changé… Hélas, l’autre ne change pas : simplement, il y a eu erreur sur la personne, sans doute parce que l’on ne va pas chercher son désir jusqu’au bout… Que ce survol un peu rapide de ce que j’appelle “Le Jeu des Mariages” vous invite à utiliser la Sublime Machine, le Tarot de Marseille, à suivre les suggestions surfines qu’il vous laisse mettre en pratique, pour ne pas vous tromper ni tromper l’Autre, et plus : pour vous permettre de rayonner cet Amour, cette Foi, dont nous rêvons tous et qui sauvent le Monde. Tchalaï in Passerelles Belges Extrait de la règle de 1632 Ce jeu qui est composé de soixante dix-huit cartes, se décompose en cinq bandes, la première et la plus noble de toutes, appelée triomphes qui sont au nombre de vingt-deux : et les quatre autres couleurs sont nommées épées, bâtons, coupes et deniers. Chacune d’elles a quatorze cartes, à savoir : le Roi, la Reine, le Chevalier, et le Valet, qui s’appellent aussi les quatre honneurs. Et le reste depuis le dix jusqu’ à l’as, n’ayant pas peu de rapport à ces petites gens de la lie du peuple, qui sont beaucoup plus à charge qu’à plaisir, principalement quand il s’en rencontre de toutes les couleurs avec peu de triomphes : car alors les Rois, mêmes avec leurs Reines ni tout leur empire, ne peuvent empêcher une ruine entière au joueur, qui n’aurait pu fléchir les autres à refaire.